Pensée non dualiste et art contemporain : l’ouvrage passionnant de Pierre Paliard.

J’avais dévoré avec passion un de ses précédents ouvrages, L’ordre domestique, qui expliquait le lien entre écologie, gestes artisanaux d’antan et œuvres de Land Art de Andy Goldsworthy, qui était captivant. Le land Art que l’on aurait pu penser comme l’avant garde moderniste et performative, apparaissait alors comme une réappropriation des savoirs paysans et artisanaux d’antan. C’est donc avec curiosité que je me suis plongé de ce nouvel ouvrage.

Pierre Paliard, nous propose, ici dans , Critique de la pensée dualiste et art contemporain, une longue traversée dans l’histoire des pensées non dualistes de la nature : Bergson, Deleuze, Guattari, Latour, Montbello, Berque, Kohn, Descola. Et c’est très instructif tant les pensées sont explicitées avec méthode. Le caractère didactique de cette partie est très agréable. On peut y faire quelques belles découvertes, pour ma part les pensées de Bapteste ou Berque.

Après cette balade dans l’histoire de la pensée, c’est une réflexion sur le statut de l’image et de la représentation dans l’art qui est proposée. Pierre Paliard montre comment repenser la nature et sa disparition faute d’une pensée dualiste nature/culture, réel/ représentation, forme / matière, redéfinit le rôle et les créations des artistes. C’est plus ardu pour le néophyte en histoire de l’art que je suis. Mais c’est fort instructif car, très souvent les œuvres d’arts contemporains peuvent être absconses sans le cadre analytique de leur production. Là, beaucoup de créations deviennent plus compréhensibles et intéressantes. On en vient à regretter que quelques extraits du bouquin ne soient pas affichés dans les musées, à côté des œuvres, que l’on a pu croiser.

Mais le plus original, ai je trouvé, est l’avant dernier chapitre sur ce que la fin d’une pensée dualiste forme/ matière, représentation/matière amène dans la redéfinition de la matière et comment du coup les créations artistiques créent de nouvelles matières. L’auteur inscrit d’ailleurs Cézanne et Van Gogh dans cette tradition de dépassement représentation /matière. Je ne m’étais jamais représenté ainsi leurs peintures. De la même manière ce sont les œuvres de data visualisation qui sont inscrites dans cette redéfinition du rapport à la nature. Et c’est un petit passage par la philosophie du constructivisme russe et son lien entre art et architecture qui est évoquée. C’est très stimulant.

L’ouvrage se termine sur un petit chapitre essayant de défendre une esthétique de l’immanence, mélangeant gestes d’antan, écologie, et travail sur la matière. Défense d’une création artistique rompant avec le « productionnisme », pour un « ecoumène pacifié ». Et c’est là que j’ai eu le plus d’interrogations. Comment concilier préservation de la nature et création de la matière, refus de la domination de la nature et action performative ? Comment se réapproprier des rapports pacifiés à la nature dans l’art ? Comment être écologiste dans l’immanence de la geste créatrice artistique ? On sent que Andy Goldsworthy a peut être une part de la réponse mais la voie reste encore à défricher. Et on attend avec impatience l’ouvrage suivant qui semble en gestation dans ce dernier chapitre.

Donc, un ouvrage à lire, même s’il est ardu, tant il ouvre de portes et d’envies de prolonger la réflexion.

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