Michel Vauzelle : « Trois millions d’euros pour héberger et aider ces réfugiés »

 

Le président PS du Conseil régional convoque lundi une assemblée extraordinaire sur la question des migrants

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Michel Vauzelle convoquera lundi matin les élus régionaux en assemblée plénière extraordinaire sur la question des migrants.PHOTO LA PROVENCE

 

Il est le seul président de Région à jouer cartes sur table. Michel Vauzelle ne se représentera pas en décembre à la tête d’une institution qu’il aura dirigée dix-huit ans. Voilà qui lui offre une marge de manœuvre politique et une liberté de parole plus déliées. Certes, le député socialiste arlésien n’a jamais masqué son discours humaniste, altermondialiste, très ancré à gauche.

Mais en cette période où les politiques sont mis à nu par la crise migratoire, faisant tanguer à droite comme à gauche, accentuer sa position ressemble à un petit plaisir. Longtemps messager méditerranéen, peu écouté, d’une « communauté de destin » difficile à dessiner, Michel Vauzelle trouve là une occasion formidable de faire résonner ses convictions. Et de les mettre en application.

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Lundi matin, il convoquera donc les élus régionaux en assemblée plénière extraordinaire. Pour leur tenir un discours clair sur l’accueil des migrants et leur demander de voter une délibération débloquant trois millions d’euros. De l’argent qui partira dans les caisses d’organismes humanitaires et de mairies prêts à héberger les réfugiés syriens. Michel Vauzelle ne joue pas les utopistes bon teint.

Il cherche à « rassurer » les citoyens tentés par les discours de rejet. À trois mois des régionales, il tient à mettre les adversaires politiques de son discret poulain Christophe Castaner devant leurs responsabilités. Même s’il s’en défend, il espère ainsi pousser Jean-Marie Le Pen dans ses retranchements et le Front national dans le toboggan de propos haineux non maîtrisés. Il va aussi observer la droite se contorsionner entre une aile centriste ouverte et une ligne plus dure incarnée par le candidat aux régionales Christian Estrosi. Une manière de redonner corps aux clivages politiques. Et d’inciter les électeurs de gauche à retrouver le goût du combat dans les urnes.

Pourquoi réunir une assemblée extraordinaire lundi au Conseil régional ?
Michel Vauzelle : Je le fais parce que toutes les forces politiques seront présentes et que les collectivités locales doivent, avec l’État, encadrer l’accueil des réfugiés. J’ai été bouleversé par la photo de ce petit garçon qui a l’âge de mon petit-fils. J’ai aussi éprouvé de la honte en voyant cela car je me bats depuis longtemps sur cette idée que nous sommes tous méditerranéens.

Est-ce la suite logique de l’appel lancé au printemps depuis la Sicile ?
M.V. : Lorsque je suis allé à Palerme, puis à Lampedusa, où j’ai rencontré une maire extraordinaire de courage, c’était déjà pour dénoncer le fait que l’Europe ne faisait rien pour ces migrants. Nous avions lancé un appel avec des présidents de région italien, grec et espagnol. Nous l’avions relayé les jours suivants à Bruxelles où le président du Parlement européen, Martin Schultz, nous avait soutenus. Cela fait dix-huit ans que la carte de la Méditerranée est au centre de mon bureau. On pouvait s’attendre à la situation d’aujourd’hui.

Qu’allez-vous proposer lundi aux élus régionaux ?
M.V. : Il s’agit de rassurer les citoyens qui peuvent avoir peur de cette arrivée de réfugiés. Nous allons montrer le travail entamé avec les associations humanitaires de la région pour trouver des solutions d’hébergement. Elles existent. Que les gens sachent que j’ai interpellé le président de la commission européenne, Jean-Claude Juncker, pour que les fonds européens de voisinage qui n’ont pas été utilisés, faute de projet, ne repartent pas à Bruxelles. Il s’agit de plusieurs centaines de millions d’euros. Un tel gâchis serait scandaleux. Mais aux collectivités locales de prendre aussi leurs responsabilités.

Comment ?
M.V. : Je proposerai lundi de voter la création d’une enveloppe de trois millions d’euros pour aider les associations humanitaires, que j’ai déjà rencontrées, à héberger et aider ces réfugiés. Cet argent servira aux maires qui en auront besoin. Certains ont déjà répondu favorablement comme à Martigues, Arles, Avignon ou Mouans-Sarthoux. Nous sommes dans la continuité de l’ouverture, cet été, du lycée Paul-Valéry à Menton. Il a été rendu aux élèves et d’autres structures prennent le relais. On peut aussi aider des étudiants avec des bourses.

Pensez-vous que les collectivités locales vous suivront ?
M.V. : Je pense que leur solidarité sera à la hauteur de la patrie des droits de l’Homme. Il s’agit de relever le défi de la morale. On ne demande pas ses papiers à quelqu’un qui se noie. On le sort d’abord de l’eau. Puis on lui donne à boire et à manger, on le soigne. Et ensuite on voit quelle est sa situation. On ne peut pas laisser mourir ces gens et ces enfants qui fuient les terroristes au Moyen-Orient.

Comment réagissez-vous aux images provenant de Hongrie et de Macédoine, de ces frontières qui se hérissent ?
M.V. : Il faut que cela cesse, évidemment. Que cela ne nourrisse pas le racisme et le rejet. Dans ce contexte, l’idée de Nicolas Sarkozy de proposer un statut de réfugié de guerre est inacceptable. Si on l’avait fait avec les Espagnols fuyant la guerre civile, que se serait-il passé une fois rentrés chez eux où Franco avait pris le pouvoir ? Ils auraient été fusillés sur place. La République doit faire pareil avec les Syriens. On ne sait pas quand cela va finir. On ne peut pas les renvoyer comme ça.

Faut-il faire le distinguo entre réfugiés de guerre et économiques ?
M.V. : Cette phrase « accueillir toute la misère du monde » qui a été tronquée est terrible. Elle effraie les gens. Raisonnons en voyant ce qui se fait en Allemagne. On peut s’organiser pour quelques milliers de réfugiés. Notre système de solidarité existe. Il a été éprouvé plusieurs fois, ne serait-ce que lors des inondations dans le Var ou du tremblement de terre en Algérie. Après, l’Europe peut très bien envoyer sur les îles grecques où affluent les migrants des équipes pour les aider. Et voir ensuite qui sont ces gens. L’Allemagne les accueille tous, parce qu’elle a un problème démographique à résoudre. Angela Merkel a fait un coup de génie politique en écartant l’image passée de son pays.

Du coup, c’est la France qui apparaît à la traîne…
M.V. : La France n’a pas donné une opinion aussi lisible que celle de l’Allemagne. Le gouvernement a voulu un discours très équilibré pour éviter des réactions du type FN qui font peur aux Français. Les Allemands, en accueillant ces migrants, nous ont fait la leçon. En ayant un discours trop balancé, on n’est pas clair. Et la France perd son âme. Il était donc nécessaire que l’exécutif soit transparent sur le droit d’asile.

Les régions pourraient-elles accueillir des quotas de réfugiés ?
M.V. : En expliquant ce qu’on fait, les gens auront moins peur. Franchement, est-ce bien sérieux de s’interroger sur la venue de 24 000 personnes dans un pays de 65 millions d’habitants ? Il n’y aura pas de quotas. En revanche, on peut travailler comme en Ligurie ou dans le Piémont. Là-bas, des familles de réfugiés s’installent dans des maisons vides, dans des villages où il y en a besoin. C’est concret.

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Lilian Renard et François Tonneau La Provence
Samedi 12/09/2015

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